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Gaspard Koenig
Politique/Economie

Les Français sont-ils viscéralement anti-libéraux?

By Adrienne Benassy
12/06/2013

Face à la crise, les Français auraient tendance à accuser le libéralisme en bloc. Les excès des banques ou les dérégulations à outrance seraient la cause de la dette galopante, du chômage ou des tensions sociales grimpantes. S'ils dénigrent un libéralisme anglo-saxon, importé, vil et néfaste, de nombreux Français sont pourtant profondément libéraux, attachés à la liberté d’expression ou d’agir et ne voient pas nécessairement d’un mauvais œil la réduction de l’intervention de l’Etat dans l’économie. Contre cet antilibéralisme de surface, Génération Libre, un think tank libéral lancé en mars 2013 s'attaque non seulement à la dette mais aussi aux restrictions des libertés digitales ou au statut de la fonction publique. Entretien avec son fondateur, Gaspard Koenig, qui revient sur les causes de l’antilibéralisme français et l’alternative que propose Génération Libre.

Gaspard Koenig

Ecrivain normalien et agrégé de philosophie, cette ancienne plume de Christine Lagarde à Bercy, vit à Londres depuis 2009, où il a d’abord été conseiller en stratégie à la BERD, avant de se présenter aux législatives dans la 3e circonscription des Français de l’Etranger (4%). Aujourd'hui, il se consacre intégralement à l'écriture et au think-tank qu'il dirige Génération Libre
 

Interview

Que veulent les libéraux ?

De façon brève, les libéraux sont des modérés, en faveur de l’Etat de droit fonctionne et du libre marché. Dans la doctrine libérale, il y a une profonde humilité. C’est d’ailleurs ce que dit Hayek : on accorde la liberté à tout le monde car par définition on sait qu’on ne sait pas. Donc il serait absurde que quelqu’un puisse planifier ou décider à la place des autres car les moyens d’information sont trop faibles. Il y a dans le libéralisme une acceptation des limites de la nature humaine, une volonté de ne pas la contraindre et de ne pas changer l’homme.
 

Les Français rejettent-t-ils le libéralisme ?

L’environnement intellectuel en France méprise cette branche de la pensée française, en fait un épouvantail intellectuel et politique. Vous prenez un programme de tous les politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par le parti centriste, ils se rejoignent en un point: ils sont contre le néo-libéralisme. Ils remettent toutes les fautes qui incombent à l’Etat aux marchés. Ils n’essaient jamais d’expliquer aux gens ce que sont ces « marchés », ce pour échapper à leurs propres responsabilités. Ce qui est assez intéressant c’est que ça n’a pas toujours été le cas en France et que cette tradition a été gommée depuis l’après-guerre. Après intellectuellement, il a toujours des libéraux français, comme Guy Sorman ou Philippe Nemo par exemple.


Comment expliquer cet antilibéralisme ?

Les Français forment un peuple complètement individualiste, il suffit de se promener en France pour le constater. On est un grand peuple capitaliste, on est la 6èmeéconomie au monde, on a créé certaines des plus grandes entreprises mondiales. C’est un des peuples qui épargne le plus. Tout le monde spécule sur l’immobilier. En revanche, il a une espèce de couche idéologique, qui les empêche de voir le libéralisme comme un système de pensée positif. Même si les gens se comportent de façon très libérale, dès qu’il faut s’exprimer ou juger un programme politique, on retrouve les mêmesblocages sur les services publics, l’Etat protecteur ou les frontières. L’Etat a certes toujours eu un rôle pivot, qui est légitime, mais le libéralisme n’a pas toujours été aussi critiqué. Sous le Second Empire le mouvement libéral était un des deux plus forts d’Europe.


L’université participe-telle à l’antilibéralisme français ?

A l’Ecole Normale Supérieure et au sein du cursus universitaire français classique, en particulier dans les sciences humaines, il était parfaitement évident que tout le monde était de gauche. Ça ne se discutait même pas. Jusqu’à l’agrégation, je n’ai jamais reçu un seul cours sur la pensée libérale ou sur ces auteurs, ou du moins de façon marginale. Il a fallu que j’aille aux Etats-Unis un an, lors d’un échange à l’université de Columbia, pour découvrir, enseignée par des Américains, cette tradition libérale française.


Pourtant cet antilibéralisme n’est pas irréversible ?

Il me semble que le peuple français a tout pour réussir mais on lui a expliqué que la mondialisation était une mauvaise chose. Or il a vraiment tout pour dépasser les autres pays à l’échelle internationale. Si comme disait Pompidou « On cessait d’emmerder les Français » pour quelques années en arrêtant de les surprotéger, on pourrait facilement redevenir une grande puissance, on a tellement d’avantages par rapport à l’Angleterre, un caillou battu par le vent, ou à l’Allemagne qui ne se remet pas de son histoire. Malheureusement, la classe politique est en deçà de tout. Quand on est jeune et motivé, on a très peu de gens à qui s’accrocher en politique, quelqu’un qu’on a envie de suivre ou d’aider.


Considérez-vous qu’il manque une Margaret Thatcher à la France ?

Indépendamment de ce qu’on peut lui reprocher, ce qu’on a vraiment envie de rapatrier en France c’est sa force de conviction. Elle en a poursuivit deux ou trois pendant dix ans sans en dévier. Au contraire, Nicolas Sarkozy, qui a été élu sur un programme libéral, n’a pas suivi ses convictions dans le temps. Il prônait une décomplexion vis-à-vis de l’argent, du fait d’en gagner, de travailler dur. Il a aussi critiqué l’université et son système de sélection. Il a été élu sur un programme libéral, et il avait beaucoup plus de pouvoir que Margaret Thatcher pour exécuter ses réformes. Mais il n’a pas de vraies convictions et il a fait ça car c’était dans l’air du temps. Quand la crise financière est arrivée, il a complètement changé son fusil d’épaule, a arrêté la commission Attali, il a renforcé l'idée d'Etat protecteur qui devait arrêter les dérives du néo-libéralisme. Mais, quant à elle, Margaret Thatcher avait cette ultime force de conviction.


Génération Libre entend donc proposer une alternative aux politiques actuelles ?

Génération Libre est un think-tank français avec l’ambition de tout publier en anglais, de faire le pont entre le monde globalisé et les problèmes français. L’objectif est de parler de sujets de société, de digital, de liberté d’expression, de toute une facette du libéralisme qui est beaucoup plus séduisante à première vue que de parler d’économie de marché. Cette facette du libéralisme est très peu exploitée par les libéraux, chose que je ne comprends pas. Si on prend la liberté d’expression, il y a un nombre de lois qui la restreignent y compris sur Twitter. C’est important de défendre cette tradition.


En proposant des solutions aux problèmes français depuis Londres, ne risquez-vous pas de passer à côté de votre cible ?

Je suis maintenant presque une semaine sur deux ou trois à Paris, donc je suis à Londres sans l’être et je suis entouré de collaborateurs à Paris. Le site ne fait ni référence à la France ni à Londres, il est .eu, c’est important dans la mesure où c’est un think-tank européen. L’idée est d’avoir un réseau de français européens. Le think-tank repose sur la puissance intellectuelle et financière des expatriés. L’idée n’est ni de prendre l’Angleterre comme un modèle ni de donner des leçons à la France depuis l’étranger.

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